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René Rougeau (Nantes) : « J'ai grandi dans une ambiance créole... »
Il porte des nom et prénom des plus franchouillards. René Rougeau (1,98 m, 33 ans, poste 3‑4) est pourtant californien et a fait ses classes à UNLV. Et c’est surtout le joueur de PRO B le plus productif depuis la reprise, n°1 à l’évaluation (27,0) comme aux rebonds (10,2), et 4e scoreur au sein d’un Nantes Basket Hermine classé 4e ex æquo du Championnat et qualifié pour les demi-finales de Leaders Cup. Découverte...

René Rougeau face à Poitiers
René, avant de commencer à parler basket, on est forcément intrigué par vos nom et prénom, tous deux à consonance française même si vous êtes né et avez grandi en Californie. Pouvez-vous nous expliquer d’où cela vient ?
Je suis né à Sacramento, mais la famille de mon père est d’origine française. Le tout premier Rougeau a émigré vers les USA en 1865. La famille s’était installée en Louisiane, comme de nombreux migrants français à l’époque. Toute ma famille paternelle est de là-bas.
Tous vos frères et sœurs, mis à part Sean, ont aussi un prénom français...
Oui, c’est mon frère aîné, mais c’est un demi-frère du côté de ma mère. Mais les autres, comme mes deux sœurs, ont des prénoms français. Je ne vais pas dire que nous avons grandi dans une famille de culture française, car la famille vit aux USA depuis trop longtemps, mais quand même dans une ambiance créole. Vous savez, la Californie compte de nombreuses familles qui ont migré du Sud, et notamment de Louisiane, dans les années 60, au moment du Mouvement pour les Droits Civiques. Ils ont fui le racisme très présent dans le Sud pour un état réputé alors pour sa tolérance. Nous avons donc baigné dans cette culture créole, même en vivant à Sacramento.
Qu’est-ce qui vous a fait opter pour UNLV (Nevada Las Vegas) après le lycée ?
En fait, c’était la seule école qui a bien voulu m’accueillir ! J’avais le choix entre UNLV et Air Force Academy. D’autres comme Long Island, Columbia et Fordham - bizarrement toutes les trois dans l’état de New York - s’étaient intéressées à moi, mais il aurait fallu que je passe un an de plus en prep-school pour les intégrer. Puis, en fait, un garçon qui était avec moi au lycée a parlé de moi aux coaches de UNLV. L’école m’avait accepté sur le plan scolaire, mais j’ai intégré l’équipe en tant que walk-on (c’est-à-dire sans bourse au départ, ni aucune garantie d’entrer en jeu, ndlr). Et puis j’ai fait mon trou petit à petit...
Vous avez pas mal bourlingué au cours de votre carrière, entre Nouvelle-Zélande, Mexique, Venezuela, Israël, Finlande et maintenant France. Une préférence parmi ces différents pays ?
Sans doute le Mexique, oui, même si beaucoup d’Américains pensent que ce pays est dangereux. Mais j’ai adoré les années que j’ai passées là-bas, les gens étaient adorables et nous avions une bonne base de fans. Et puis, c’était aussi très près de chez moi puisque Laredo est tout proche de la frontière entre le Mexique et le Texas. Quand on en ressentait le besoin, passer la frontière et aller au Texas ne prenaient qu’une quinzaine de minutes. J’ai aussi beaucoup aimé Israël.
Avec une taille d’1,98 m, vous êtes un peu petit pour un poste 4. Quel est votre poste préféré : power forward ou n°3 ?
J’avoue que je préfère évoluer sur l’aile, mais à UNLV déjà, j’ai souvent joué power forward. Ma taille n’est pas franchement un problème, même quand je joue à l’intérieur, parce qu’en Israël ou en Finlande, j’ai été habitué à trouver des solutions face à des adversaires bien plus grands que moi.
Votre force, c’est aussi de remplir toutes les catégories d’une feuille de stats, non ?
Oui. J’ai toujours aimé faire tous ces petits trucs qui ne se voient pas tellement mais font gagner l’équipe. Pour être honnête, je ne suis devenu plus scoreur que sur le tard. Avant de devenir professionnel, je me concentrais sur les rebonds, les contres, les interceptions, sur faire la bonne passe au bon moment. Après, le scoring... je n’avais pas forcément assez confiance en moi au départ. Maintenant, je ne rechigne pas à prendre ma chance quand il le faut, mais ça n’a jamais été la base de mon jeu.
Vous avez eu de bonnes stats partout où vous êtes passé. Mais cette saison, à 33 ans, vous explosez les compteurs dans beaucoup de catégories statistiques. Est-ce que la PRO B a baissé de niveau ou bien est-ce que vous vous bonifiez comme le vin ?
(Rires) Oh non, la PRO B n’est pas faible. C’est le championnat le plus physique dans lequel j’ai pu jouer. J’adore le challenge que cette ligue propose, j’avoue. Toutes les équipes pensent que je suis trop petit et appellent des systèmes pour qu’un big man me joue au poste bas. Mais ça décuple ma motivation pour tenir en coup et bien défendre. Parce que si vous défendez bien, cela vous permet de partir plus vite sur du jeu de transition et de trouver des paniers faciles. Ici, nous avons la chance d’avoir de très bon shooteurs entre Gary (Chathuant), Terry (Smith), Mourad (El Mabrouk) et d’autres qui coupent très bien vers le panier comme Mathis (Guillou), Abdel (Sylla) et Maodo (Nguirane). Je me sens vraiment bien ici. En fait, cela fait longtemps que je voulais venir jouer en France, voir d’où vient ma famille. Et j’adore mon séjour depuis que je suis à Nantes.
Nantes, après quelques saisons difficiles, effectue un excellent début de saison. Qu’est-ce qui rend cette équipe spéciale selon vous ?
J’ai vu que beaucoup d’observateurs pensaient que nous serions bien moins forts que l’équipe de l’an passé et nous voyaient même à risque pour la descente. Mais cela nous a boostés dès le départ et nous avons pas mal de joueurs qui ont de l’expérience. Donc capables de bien gérer la pression et de relever ce challenge. Je ne sais pas jusqu’où nous pouvons aller, mais je sais maintenant que bien commencer une saison est essentiel. Nous prenons un match après l’autre mais oui, je sens depuis le début que les connexions entre les joueurs sont bonnes dans ce roster. Je ne suis plus si jeune et je sais qu’il est important, pour bien jouer ensemble, de faire aussi des choses en dehors du terrain. J’essaie donc de pousser tout le monde à sortir tous ensemble. J’ai trop pu constater dans le passé que des individus qui ne peuvent pas se supporter en dehors du terrain ont ensuite bien du mal à s’entendre autour d’un ballon de basket...