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Jonathan Hoyaux et Grismay Paumier : deux des piliers de Saint-Chamond
Jonathan Hoyaux (1,95 m, 30 ans, arrière) et Grismay Paumier (2,05 m, 30 ans, 4/5) sont, depuis plusieurs saisons, parmi les clefs de voûte du club ligérien, situé à quelques encablures de Saint-Étienne, et qui aspire à grandir avec l’arrivée d’une nouvelle salle, annoncée pour 2021 ou 2022. Le premier, arrivé à l’été 2016, est depuis l’arme extérieure numéro un à la disposition d’Alain Thinet (11,8 pts), alors que le second, très solide défensivement, attaque tout juste sa 5e saison au club après avoir manqué toute la préparation et l’automne en raison d’une pubalgie tenace qu’il a dû faire opérer. Depuis le bus qui devait les conduire à une belle victoire à Évreux, le week-end dernier, Hoyaux et Paumier se sont livrés au jeu difficile de l’interview croisée…

Hoyaux et Paumier face à Roanne (Crédit Photo : Laurent Peigue)
Vous êtes tous les deux de la même génération (nés en juillet 1988, à trois jours d’intervalle) et figurez parmi les leaders de l’équipe depuis un moment. Qu’est-ce qui rapproche un Cubain d’un Tourangeau tous deux basketteurs pros à Saint-Chamond ?
JH : C’est vrai que nous sommes de la même génération, donc avec à peu près les mêmes centres d’intérêt. Nous avons chacun des enfants (un pour Paumier, 3 pour Hoyaux), une vie de famille donc des préoccupations qui nous rassemblent.
GP : Jo est un bon coéquipier, c’est vrai, même s’il est quand même un peu fou ! Plus sérieusement, oui, on s’entend très bien dans la vie comme sur le terrain.
Même si vous n’êtes pas de la région, le derby de mardi (cet entretien a eu lieu le vendredi 11 janvier, à 4 jours de la réception de Roanne pour le compte de la 14e journée, ndlr), représente-t-il aujourd’hui une date très attendue pour vous ?
JH : Pour ma part, c’est seulement ma troisième année au club. Mais j’ai pu sentir vraiment un engouement qui monte d’année en année autour de ce derby. Roanne, c’est le gros club de la Loire, celui avec, pour le moment, le plus gros passé basket. Nous, on est la petite bête qui monte. Ce qui est donc intéressant, c’est que ce derby évolue. Et dans Saint-Chamond voire quand on se balade à Saint-Étienne, les gens n’arrêtent pas d’en parler. On sent une attente incroyable, une tension qui monte déjà depuis quelques jours alors que le derby n’aura lieu que la semaine prochaine. Après, Grismay, lui, a passé 5 ans ici, mais je ne crois pas qu’il ait disputé plus de derby parce que Saint-Chamond était en N1 et Roanne dans l’élite.
GP : Pour moi, franchement, c’est un match important mais pas si spécial que ça. Ils sont premiers, nous ne sommes pas loin derrière. C’est donc une rencontre qu’on va essayer de gagner parce que le public attend ça et qu’on ne veut pas le décevoir. Mais je n’ai rien de spécial contre Roanne ou ses joueurs. Moi, j’aime beaucoup l’ambiance de ces matches, c’est vrai, et on a connu des scénarii incroyables ces dernières saisons. Mais il faut surtout que nous restions lucides, que nous les prenions comme un match comme un autre et que nous restions concentrés sur notre basket.
Grismay, le basket cubain est aujourd’hui moins dans la lumière qu’il ne pouvait l’être dans les années 80. Comment avez-vous été amené à choisir le basket et dans quel état se trouvent les structures du basket cubain aujourd’hui ?
GP : Le basket est arrivé très tard dans ma vie en fait. À la base, ça ne m’intéressait pas du tout. Je faisais à la fois de l’escrime et de la lutte, qui sont deux sports olympiques très prisés à Cuba. Et puis, comme c’est souvent le cas, j’ai croisé un coach de basket vers mes 18 ans, qui m’a invité à venir à un entraînement. C’est seulement à cet âge-là que j’ai découvert le basket. Après, mon départ en Espagne, c’est une histoire incroyable. On y est allé avec mon équipe, pour disputer un tournoi où l’on nous avait invités. Moi, j’étais très déçu et agacé par mes dirigeants et par la façon dont ils s’occupaient de notre équipe et surtout comment était géré tout le basket à Cuba. Alors j’ai décidé de rester en Espagne, en jouant pour une petite équipe. Puis après, il y a un agent français qui m’a repéré et m’a placé à Berck, en Nationale 2. Mon départ de Cuba, je l’ai payé cher avec ma famille. C’était très, très très compliqué. Nous avons été punis et moi je suis resté 8 ans sans avoir le droit de rentrer au pays. C’était un choix difficile à effectuer mais… ça valait le coup ! J’ai donc passé quelques mois à Lanzarote, sur les Îles Canaries, puis un an en Galice avant de venir à Berck où j’ai passé deux ans.
Jonathan, votre parcours est au départ plus classique, avec 4 ans passés au Centre de Formation de Chalon. Mais ensuite le lancement de carrière a été difficile entre Aix-Maurienne, Limoges, avant d’éclater à Saint-Vallier…
JH : En fait, j’ai fait mes 4 ans classiques au Centre de formation, puis j’ai signé dans la foulée un contrat pro de 3 ans. J’y ai fait une première année sans trop de temps de jeu, même si j’en ai eu un petit peu. La deuxième, il était prévu de voir mes responsabilités augmenter, le problème, c’est que je me suis cassé le pied. Ce qui fait que j’ai été arrêté plus de huit mois. Je n’ai donc pas disputé un seul match de la saison et, à la suite de ça, le club a décidé de me prêter à Aix-Maurienne, en Pro B, pour que je revienne en retrouvant du temps de jeu. Derrière, Fred Forte m’a fait venir à Limoges, où j’ai passé une saison, avant de signer à Saint-Vallier, avec Laurent Pluvy, où j’ai passé 4 saisons. À Saint-Vallier, je retrouvais un peu un rôle proche de celui que je pouvais avoir en espoirs. Parce qu’au début, avec les pros, quand on joue des bouts de minutes par-ci, par-là, on n’a pas de responsabilité, on cherche plus à faire jouer les autres et à ne pas faire de bêtises. Alors quand Laurent m’a appelé à Saint-Vallier, il m’a offert de suite beaucoup de temps de jeu et les responsabilités offensives qui vont avec. Et ça m’a permis de rapidement - et enfin, si j’ose dire - montrer ce que j’étais capable d’apporter sur le terrain. Un rôle très différent de celui que j’avais à Limoges qui était à l’époque un très gros effectif de Pro B.
L’un comme l’autre, qu’est-ce qui vous a décidé à rejoindre Saint-Chamond, un contact avec Alain Thinet au départ ?
GP : Moi, le contact est passé au départ par mon agent, Guillaume Atthoffer, qui a d’excellentes relations avec Alain Thinet. C’est lui qui m’a donc conseillé de venir à Saint-Chamond, un club que j’ai de suite adoré. J’ai d’abord passé trois saisons ici avant de repartir dans le Nord, à Boulogne-sur-Mer. Mais c’était essentiellement pour des raisons familiales. Ma femme, que j’ai rencontrée à Berck, est de là-bas et y avait trouvé un boulot. Jouer pour le SOMB, c’était donc pour me rapprocher d’elle et de mon fils, que je voyais très peu et qui me manquait. Mais ensuite, les choses ne se sont pas passées comme je le souhaitais et j’ai donc décidé de revenir ici. Je m’y sens bien, j’adore la ville, le club et le coach, c’est une très bonne situation pour moi.
JH : Moi, Saint-Vallier était descendu en N1. Je sortais de deux bonnes saisons à ce niveau (4e scoreur de N1 en 2015-16 avec 16,8 pts de moyenne, ndlr) et j’avais vraiment envie de retrouver la Pro B. Alain me suivait depuis un moment. Il m’a appelé en me disant qu’il voulait me prendre pour me donner le même type de responsabilité ici que je pouvais avoir à Saint-Vallier. C’est un des premiers coaches de Pro B qui m’a appelé. Le club ressemblait un peu à l’environnement de Saint-Vallier, avec son côté très familial, mais avec aussi une véritable volonté de construire et d’aller dans le bon sens. Tout ça m’a séduit et visiblement, c’était un bon choix puisque j’ai resigné l’été dernier pour trois ans et Gris, tu as signé sur combien de temps ?
GP : Deux ans.
D’ailleurs, chacun, comment décririez-vous ce coach qui est le doyen des entraîneurs en LNB ?
JH : Oh là ! On va avoir un souci. On te répond depuis le bus qui va en direction d’Évreux (cet entretien a eu lieu le vendredi 10 janvier, ndlr), et le coach est assis juste derrière nous, on ne va pas pouvoir dire tout le mal qu’on pense de lui (rires).
GP : Pour moi, Alain est simplement une très belle personne sur le plan humain. Et côté sportif, il sait très bien trouver les bons mots au bon moment et surtout mettre l’ensemble de ses joueurs dans les meilleures conditions possibles. C’est d’ailleurs ça qui m’impressionne chez lui : sa capacité à tirer le meilleur d’un groupe et de faire en sorte que le groupe vive bien et évolue très bien ensemble sur le terrain. Il a ses idées, mais il reste toujours très à l’écoute de ses joueurs.
JH : Qu’est-ce que je peux dire de plus ? Tout le monde connaît Alain dans le milieu. C’est un entraîneur qui a de la bouteille, qui a passé ces 40 ou 45 dernières années au sein du basket professionnel comme joueur puis comme coach. C’est un management assez spécial, que je n’avais pas vraiment connu auparavant. Il laisse énormément de liberté aux joueurs. C’est pour ça qu’il choisit très minutieusement comment composer son effectif chaque été. C’est top, parce qu’ensuite, il y a une relation très forte entre lui et son effectif. En revanche, quand il t’a donné sa confiance, tu n’as pas trop intérêt à lui faire à l’envers ! En fait, en dehors du terrain, on a des rapports forts avec lui, on peut parler de tout. Et ça se retrouve ensuite sur le terrain. Ici, même un joueur qui est 9e ou 10e homme dispose d’une bonne part de liberté pour s’exprimer. Il ne va pas nous mettre dans un carcan avec la possibilité de faire ça ou ça mais une interdiction d’aller au-delà de son rôle. C’est vraiment ça qui est intéressant dans son basket.
Après une bonne saison dernière et malgré la blessure de Grismay en début de saison, Saint-Chamond figure à la 3e place de Pro B. Quelle est, selon vous, la grande force de l’équipe cette saison ?
JH : Sincèrement, je pense que l’équipe de cette saison est la meilleure que j’aie connue depuis mon arrivée. Cette saison, le danger peut venir de partout. Je ne vais pas dire qu’on a de la marge, parce que je crois que personne, en Pro B, n’a vraiment de la marge. Mais disons qu’on se sent plus sereins, plus forts que les saisons précédentes.
GP : Moi, je ne sais pas si nous avons la meilleure équipe que j’aie connue ici. Je viens de revenir et c’est un peu difficile encore de juger de ça, mais je nous sens forts, complets dans tous les aspects du jeu. À l’intérieur, c’est vrai que mon association avec Makran (Ben Romdhane) est intéressante. C’est un excellent joueur qui dispose à peu près de toutes les forces dans son jeu qui peuvent manquer au mien. On se complète très bien.
JH : Grismay a encore un peu de chemin pour revenir à son meilleur niveau, surtout qu’il a raté toute la préparation physique et a été arrêté longtemps. L’avantage, c’est qu’il connaît parfaitement la maison. Et puis, on avait quand même conservé un socle solide de l’équipe de la saison dernière, ce qui a rendu facile l’intégration des nouveaux. Dans la raquette, on est vraiment solide par exemple, avec quatre voire cinq intérieurs, car même le petit Mounir (sic, il fait 2,05 m quand même !) Bernaoui, il peut jouer. Il est même bon quand on lui offre quelques minutes. Mais entre Grismay, Makran, Bodian Massa et Jean-Stéphane Rinna, nos deux tours jumelles, ça donne quand même une raquette qui ressemble à quelque chose !
Existe-t-il un "esprit" spécifique à ce club que vous n’avez pas forcément retrouvé ailleurs au cours de votre carrière ?
JH : Moi, je viens de Saint-Vallier où le club est, disons plus que familial. Un peu trop parfois même, d’ailleurs, ce qui les empêche parfois de se professionnaliser un peu plus, j’avais connu quelque chose de similaire avant. Mais là, avec la nouvelle salle qui va se construire, ce qui est intéressant, c’est que le club conserve cet esprit et ce fonctionnement familial, tout en commençant à très bien travailler pour devenir, à terme, le club de la Métropole stéphanoise. Et ici, tout marche à la confiance entre les joueurs, le coach et les différents dirigeants.
GP : Moi, j’adore ce club ! Pour moi, qui vis depuis très longtemps loin de chez moi, je trouve que tout le monde, ici, prend soin de moi, m’entoure, bien au-delà de ce qu’ils pourraient normalement faire pour un joueur professionnel. Je viens d’être blessé longtemps, et tout le monde m’a aidé, est resté à l’écoute de ce dont j’avais besoin, etc.
Cet article est à retrouver dans le Soir de Match papier distribué dans les salles de PRO B pour la J15.